À l’heure où la contestation sociale prend de l’ampleur en France, pourquoi ne pas regarder ailleurs, à la recherche d’alternatives à ce qui semble causer nombre de maux, le néolibéralisme ? Comment aujourd’hui peut-on contester l’hégémonie du capitalisme tout en restant constructif ? C’est un exercice discursif complexe auquel Josef Stiglitz, prix Nobel d’économie, s’est prêté lors d’une conférence enregistrée à la Friche de la Belle de Mai en octobre dernier.
Pour Josef Stiglitz, l’équation de départ est simple, notre système économique actuel est dominé par le néolibéralisme. Derrière ce mot usé à tort et à travers, se cache une idéologie économique complexe. Très empreinte du contexte de l’époque où elle a été créée, elle est une prolongation du libéralisme, fer de lance de l’idéologie anglo-saxonne. Alors que la Guerre Froide était en germination, déjà des voix s’élevaient contre l’intervention de l’état dans l’économie.
Loin de s’imaginer l’opposition frontale que cette idéologie représentera par la suite face au bloc de l’Est, ses fondateurs voulaient avant tout croire en la rationalité totale et parfaite des acteurs du marché. Partant de ce postulat de base, s’est construit tout un système de pensée prônant la dérégulation du marché et une croyance fervente en une « main invisible ». Cette « main » viendrait réguler le marché sans aucune intervention extérieure, puisque tout le monde est parfaitement informé et prend des décision rationnelles en toutes circonstances. Tout reposerait donc sur le jeu de la concurrence parfaite, l’absence de monopole et sur la parfaite objectivité des acteurs du marché.
Aujourd’hui, l’économie de marché s’est insérée dans de nombreux systèmes économiques autour du globe. Même la République Populaire de Chine se réclame d’un système d’ « économie sociale de marché ». Ce système issu du capitalisme, dont il est une déclinaison radicale, a servi de figure de proue pendant la Guerre Froide pour contrer l’interventionnisme économique de l’URSS, en opposition totale. Cependant, le contexte économique est aujourd’hui totalement différent. Il n’y a plus de contre-pouvoir fort en face du néolibéralisme, il n’a plus d’ennemi à combattre, alors que son fondement même se base sur la concurrence.
Pire, il semblerait même que ce modèle montre ses limites et soit responsable de nombre de crises économiques et sociales. L’exemple traumatique de la crise de 2009 reste ancré au plus profond des mémoires. Cette crise trop peu anticipée a été la preuve que les marchés peuvent passer un point de non retour au delà duquel ils ne peuvent plus s’auto-réguler.
Ce qui reste de cette crise ce sont des critiques du néolibéralisme de plus en plus nombreuses, même outre-atlantique, pourtant terre natale de ce système. Il reste également une prise de conscience plus large de ce que peut être une crise financière notamment quand on en vient à parler du potentiel de contagion. Cette crise, qui au départ concernait le secteur du logement aux États-Unis, s’est révélé être une déferlante aux multiples conséquences, notamment sociales, partout dans le monde.
La critique est donc présente mais quelle alternative peut-on envisager ? Josef Stiglitz, économiste américain, prix nobel d’économie en 2001 pour ses travaux sur l’asymétrie d’information sur les marchés a tenté de montrer les limites du systèmes et les autres voies envisageables lors d’une conférence enregistrée le 11 octobre 2019 aux Grandes Tables de la Friche à Marseille. Une conférence intitulée « Le Capitalisme à l’heure de l’exaspération sociale » captée par Radio Grenouille, radio membre du réseau Radio Campus, réseau de 29 radio associatives partout en France.
Document publié dans le cadre de notre partenariat avec France Culture Conférence.